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L'éducation solidaire
22 avril 2019

La leçon de discrimination, un documentaire choc sur l'enseignement du vivre-ensemble

CorteX_lecon_discrimination

Annie Leblanc, enseignante dans une école primaire Saint-Pierre de Saint-Valérien-de-Milton, en Montérégie, fait vivre à ses élèves du primaire la réalité des personnes qui subissent la discrimination. Elle divise sa classe en deux groupes sur un critère arbitraire : la taille. Un groupe est alors valorisé et l’autre dévalorisé par l’enseignante.

Avec l'accord de tous les parents, de la commission scolaire et de la directrice de l'école, l'enseignante a fait vivre la discrimination à ses élèves pendant deux jours. Ainsi la discrimination est subie par les grands la première journée, puis par les petits le jour suivant…

"Être formé à être plus ouvert, plus tolérants". Tel est le but de ce "cours de discrimination".

Dans la classe, des profils similaires. L'envie d'apprendre, du sérieux, on remarque également que tous les élèves sont de couleur blanche. Cette classe homogène apporte cependant des réponses différenteaux questions posées par la professeure. La télévision et les préjugés se font sentir.

tailleAnnie Leblanc s'appuie sur des théories scientifiques, dont celle du professeur Henry Tajfel, survivant des camps nazi. Il a voulu comprendre d'où viennent les préjugés et les discriminations. Il démontre que la catégorisation et l'identification à son propre groupe est suffisante pour créer de la discrimination. Les membres d'un groupe se mettent à favoriser leurs membres, au détriment des autres. C'est un comportement de tribu, de clan, lorsqu'il fallait se défendre.

Elle a expliqué aux enfants que des études scientifiques prouvaient que les petits étaient généralement plus intelligents, plus rapides, plus sages et plus créatifs, qu'ils étaient supérieurs aux grands. Les grands, au contraire sont plutôt maladroits, indisciplinés, bruyants et paresseux. Ainsi, les élèves mesurant moins de 1,34 m ont eu droit à des privilèges de toutes sortes. Quant aux autres, ils ont dû porter un dossard rouge toute
la journée : pendant la récréation, à la cafétéria y compris. L'enseignante n'a pas perdu une occasion d'expliquer leur moindre erreur par le fait qu'ils étaient grands.

Lorsqu'elle donna les privilèges des petits, ils étaient tout de suite contents. Ils pouvaient par exemple sortir plus tôt pour les récréation, pour aller à la cantine ou utiliser des tapis pour s'amuser à glisser sur la neige à la récréation.
En début de journée le changement d'ambiance se fait très vite ressentir. Des questions sont posées à la maitresse :

"Est-ce normal que je me sente rejetée des autres ?" demande une fille.

"Tu es une grande, c'est possible que ça arrive" répond l'institutrice avant de reprendre son cours de français.

Une petite fille a même renoncé à ses privilèges : "Je n'en ai pas besoin" dit-elle en pleurant.

Dans la position de leur dos, leur regard, leur tristesse, on voyait que quelque chose avait changé.
Des élèves ont pleuré, d'autres ont abaissé leur compagnon de classe sur la base de leur grandeur, d'autres étaient frustrés ou en colère.

Pendant la récréation, un enfant obèse, Pierre-Luc, vient parler à la maitresse :
"- Il y a des petits qui sont pas si intelligents, comme il y a des petits qui me traitent de gros. C'est ça mon problème.

- Et qu'est-ce que ça te fais quand tu entends ça ?

- Ca me brise le coeur"

D'habitude cet élève vit très mal sa différence de poid, mais la maitresse remarque que durant l'expérience, c'est comme s'il le vivait bien, qu'il partageait sa douleur avec les autres élèves de la classe discriminés.+

Ces dialogues coups-de-poing font réagir, la maîtresse est très contente de voir que les enfants ne veulent pas se laisser faire. Un début de rebellion se fait sentir, ils veulent dire à la directrice que la maîtresse les discriminent, mais ça bne donne pas de suite.

Et,lorsque les enfants sont revenus de la récréation, au lieu de former un seul rang, comme d'habitude, ils se sont spontanément séparés en deux groupes. D'un côté les petits, de l'autre, les grands...


Le lendemain, Annie Leblanc a inversé les rôles, prétextant avoir reçu un appel du patron de la commission scolaire. L'enseignante a
raconté aux élèves que son patron, un homme très grand, était mécontent de l'expérience menée en classe et qu'il l'avait convaincue que, finalement, les grands étaient supérieurs aux petits. Ces derniers ont dû, à leur tour, porter le dossard pour la
journée.
La_lecon_de_discrimination

L'équipe de reportage a filmé ces deux jours en classe, avec plusieurs caméras pour bien capter les remarques des enfants et leurs réactions. Ces images sont bouleversantes.

Lors du bilan avec les enfants, les enfants ont eu le désir de vengeance. D'instinct ils voulaient que le lendemain ce soit la maîtresse qui soit discriminée. Ca à été difficile à accepter pour la maitresse de se dire qu'ils n'ont pas compris que le but de l'exercice est justement que cela cesse.

Toutefois, la leçon de discrimination semble avoir porté ses fruits. Les élèves ont compris qu'on pouvait faire un parallèle entre cette expérience et le traitement réservé à un de leur camarade Pierre-Luc. Après l'exercice, la vie à l'école s'est améliorée pour
lui. Certains enfants ont bien compris qu'il y a un lien très fort entre les encouragements et l'estime de soi. Il semble réellement que leur regard sur la différence ait changé, qu'ils soient devenus plus solidaires, les uns envers les autres.

Au Canada, le documentaire a reçu un prix Gémeaux à Toronto et le Grand prix Judith-Jasmin à Montréal. Le guide pédagogique qui accompagne le reportage s’est valu un Prix d’excellence de la Fondation canadienne des relations raciales (www.crrf-fcrr.ca/fr), à Toronto en 2008. Ce prix d’excellence vise à reconnaître les organismes et les programmes qui travaillent à lutter contre le racisme et la discrimination raciale dans le milieu de travail, scolaire, des affaires et communautaire au Canada.

Ce type d’expérience, aussi bouleversante soit-elle, n’est pas une première : il y eut entre autres celle de Jane Elliott (1968), la discrimination se faisait sur la couleur des yeux. Son expérience A class divided avait été suivie en 2010 par une expérience intitulée How racist are you ? (A quel point êtes-vous raciste?).

Le documentaire est disponible en libre accès sur Youtube. Pour le visionner, c'est ici :

 

 

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Carte Heuristique - LA SOLIDARITE

Carte Heuristique Solidarité Léa RIchard

Citation
    " Pourquoi nous haïr ? Nous sommes solidaires, emportés par la même planète, équipage d'un même navire. "

Oeuvres (gallimard, 1959), p. 256 - Antoine de Saint-Exupér

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